Les Nanotubes de Carbone (source : Wikipedia)
En 2006, un éditorial de Marc Monthioux et Vladimir Kuznetsov du journal Carbon a décrit l'intéressante et pourtant méconnue origine des nanotubes de carbone. Une très grande partie des revues de toutes natures, attribuent, à tort, la découverte de tubes creux nanométriques composés de feuillets de graphite à Sumio Iijima (NEC) en 1991. Si Sumio Iijima a été la première personne à observer un nanotube de carbone, elle n’a certainement pas été la première à en élaborer. C’est très probablement notre ancêtre, il y a quelques 500 000 ans qui le premier, en aurait produit d’infimes quantités dans les feux qu’il allumait pour y cuire ses aliments et protéger ses cavernes. En effet, fractionnées par l’effet de la chaleur, les molécules de carbone voient leurs atomes se recombiner comme ils le peuvent dans la suie. Certains donnent naissance à de minuscules gouttes amorphes, d’autres forment des nano structures géodésiques.
En 1952, Radushkevich et Lukyanovich ont publié des images claires de tubes de carbone d'environ 50 nanomètres de diamètre dans le Journal of Physical Chemistry(soviétique). Cette découverte ne s'est pas répandue, l'article étant publié en russe, les scientifiques de l'ouest ayant de plus un accès restreint aux publications soviétiques durant la guerre froide. On peut assurément penser que des nanotubes de carbone furent produits bien avant cette date, mais c'est seulement à partir de cette date que l'invention du microscope électronique en transmission permit une visualisation directe de ces structures.
Les nanotubes de carbone furent donc produits et observés sous différentes conditions, bien avant 1991. Un article de Oberlin, Endo et Koyama publié en 1976 montre clairement des fibres de carbones creuses hollow carbon fibres de taille nanométrique, obtenues a partir de méthodes CVD. De plus, les auteurs montrent une image en MET d'un nanotube constitué d'un seul feuillet de graphène. Plus tard, Endo a considéré que cette image était celle d'un nanotube monofeuillet.
En outre, en 1979, John Abrahamson présenta des preuves de l'existence des nanotubes de carbones à la 14ème Conférence biennale du Carbone de l'université d'état de Pensylvanie. Lors de la conférence les nanotubes de carbone furent décrit comme des fibres de carbone produites sur une anode de carbone après formation d'un arc électrique.
En 1981 un groupe de scientifiques soviétiques publia les résultats de la caractérisation chimique et structurelle de nanoparticules de carbone produites par dismutation thermo-catalytique de monoxyde de carbone. En utilisant des images MET et aux rayons X, les auteurs suggèrent que leurs “cristaux tubulaires multi-couche de carbone” ont été formés par enroulement de couches de graphène en cylindres. De plus, ils supposèrent que durant l'enroulement de la couche de graphène en cylindre, plusieurs dispositions du réseau hexagonal du graphène étaient possibles. Ils suggérèrent deux possibilités : une disposition circulaire (nanotubes de type « fauteuil ») et une disposition en spirale (nanotube chiraux).
Structure
Il existe deux types de nanotubes de carbone :
Les nanotubes de carbone monofeuillets, (en anglais Single Wall Carbon Nanotubes, SWNT) ;
Les nanotubes de carbone multifeuillets, (en anglais Multi Wall Carbon Nanotubes, MWNT).
On parle aussi de nanotubes de carbones duofeuillets (en anglais double-walled carbon nanotubes, DWNT) aux propriétés a mi-chemin entre les deux types précédents.
Nanotubes de carbone monofeuillets (SWNT, single walled nanotubes)
La structure d'un nanotube de carbone monofeuillet peut être représentée par un feuillet de graphène enroulé sur lui-même et fermé à ses deux extrémités par une demi-sphère. La façon dont le feuillet de graphène est replié sur lui-même définit un paramètre, appelé hélicité, qui fixe la structure du nanotube. L'hélicité permet de caractériser les différents types de nanotubes existants.
Enroulement
Structure de type nid d'abeille du graphène. Soient a1 et a2 2 vecteurs directeurs du système cristallin. On définit m et n , 2 entiers, tels que le vecteur de chiralité Ch, axe selon lequel s'enroule le nanotube, soit Ch = n a1 + m a2
Le nanotube monofeuillet est donc constitué d'une feuille de graphène enroulé sur elle même. Cette feuille de graphène présente une structure de type nid-d'abeille, dont on peut donner 2 vecteurs directeurs, a1 et a2. On definit ensuite le vecteur de chiralité, Ch, axe selon lequel le gaphène s'enroule pour former le nanotube. Ce vecteur peut donc être décomposé en deux composantes, selon les vecteurs a1 et a2. Soient m et n, les scalaires tels que Ch = n a1 + m a2.
Selon la valeur de ces 2 scalaires, 3 types d'enroulement, donc trois types de nanotubes peuvent être décrits:
Si m=0, on dira que la nanotube a une structure de type « zig-zag »
Si m=n, on dira que la nanotube a une structure de type « fauteuil»
Dans tous les autres cas, on dira que le nanotube est « chiral ».
Ces différences d'hélicité donneront aux nanotubes de carbone des propriétés différentes. Notamment, en ce qui concerne les propriété électriques, les nanotubes de type « zig-zag » se comporteront comme des métaux, et les nanotubes de type « fauteuil » se comporteront comme des semi-conducteurs.
Extrémités
On obtient ainsi un tube ouvert à ses deux extrémités, il reste donc à le fermer. Pour cela il faut introduire des défauts de courbure dans le plan de graphène, il s'agit ici de pentagones.
Ces pentagones introduisent une courbure de 112° dans le feuillet et les lois mathématiques d'Euler montrent qu'il faut un minimum de 12 pentagones pour fermer le feuillet (soit 6 pentagones à chaque extrémité du tube). Les études montrent que la molécule de C60 contient justement 12 pentagones et 20 hexagones : il s'agit donc de la plus petite fullerène possible. Cependant, alors qu'une distribution théorique régulière de ces pentagones donne une forme hémisphérique, on observe le plus souvent une pointe de forme conique.
On a donc montré que le nanotube de carbone est formé avec un feuillet de graphène auquel on a ajouté de la courbure simple pour rouler ce feuillet sur lui-même et des défauts de topologie pour fermer ses extrémités. Un nanotube a un diamètre compris entre 1 et 10 nanomètres pour une longueur de plusieurs micromètres et est de ce fait un objet de taille moléculaire et possédant un caractère monodimensionnel. (L'une des dimensions est bien plus grande que les deux autres, ici la longueur face au diamètre).
Nanotubes de carbone multifeuillets (MWNT, multiwalled Nanotubes)
Un nanotube de carbone multifeuillet est constitué de plusieurs feuillets de graphènes enroulés les uns autour des autres. Il existe deux modèles pour décrire la structure des nanotubes multifeuillets.
Le modèle poupée russe: les plans de graphène sont arrangées en cylindres concentriques.
Le modèle parchemin: un seul feuillet de graphène est enroulé sur lui même, comme une feuille de papier.
Propriétés
Les nanotubes de carbone suscitent un énorme intérêt dans le monde de la recherche autant fondamentale qu'appliquée car leurs propriétés sont exceptionnelles à bien des égards. D'un point de vue mécanique, ils présentent à la fois une excellente rigidité (mesurée par le module d'Young), comparable à celle de l'acier, tout en étant extrêmement légers. Des points de vue électrique et optique, les nanotubes monofeuillets ont la particularité tout à fait exceptionnelle de pouvoir être soit métalliques soit semi-conducteurs en fonction de leur géométrie (diamètre du tube et angle d'enroulement de la feuille de graphène).
Propriétés mécaniques
Les nanotubes se montrent intéressants par les principales caractéristiques suivantes :
Résilience
Bien que difficile à vérifier expérimentalement (la petite taille des nanotubes ne permet pas de véritables tests de contrainte pour l'instant), la résistance des nanotubes de carbone devrait être (d'après des simulations informatiques) environ 100 fois supérieure à l'acier pour un poids 6 fois moindre (à section équivalente).
Ces propriétés varient aussi selon la nature du nanotube. Les nanotubes multifeuillets sont beaucoup plus résistants que les nanotubes monofeuillets.
Dureté
Certains nanotubes sont plus durs que le diamant.
Conductivité thermique
Les nanotubes de carbone ont une conductivité thermique plus grande que celle du diamant (de 6 à 20 W.cm-1.K-1).
Propriétés électriques
Les nanotubes ont une conductivité supérieure à celle du cuivre (et 70 fois supérieure à celle du silicium).
Le nanotube de carbone a la plus grande mobilité jamais mesurée : 100 000 cm².V-1s-1 à 300 K (le précédent record étant de 77 000 cm².V-1s-1 pour l'antimoniure d'indium).
Les nanotubes de carbone deviennent supraconducteurs à basse température.
Les nanotubes de carbone permettent de réaliser des transistors à un niveau de miniaturisation jamais atteint jusqu'à maintenant. Des chercheurs d'IBM ont d'ores et déjà réussi à créer un transistor sur un nanotube.
Les nanotubes de carbone pourraient également permettre de réaliser des émetteurs de champs (d'électrons, en d'autres termes) à l'échelle du nanomètre.
Les propriétés électriques des nanotubes dépendent de la nature du nanotube : les nanotubes monofeuillets ont des meilleures propriétés que les multi-feuillets (ces derniers ont de moins bonnes propriétés en partie à cause des interactions électriques, de type van der Waals, entre les différentes couches de graphène).
Dans une feuille de graphite dont la densité de porteurs est élevée (c’est-à-dire matériau conducteur d’électricité), seuls contribuent à la conduction les électrons proches du niveau de fermi. Aucun des électrons des atomes de carbone dans un autre état énergétique, ne peut circuler librement. Un tiers des nanotubes de carbones existants possèdent à la fois le bon diamètre et la bonne structure de torsade (appelée twist) pour inclure le niveau de Fermi dans leur sous-ensemble d’état quantiques autorisés.
Propriétés d'émission de champ
Les nanotubes peuvent présenter une longueur extrêmement grande devant leur diamètre (rapport d'aspect >1000). Soumis à un champ électrique, ils vont donc présenter un très fort effet de pointe (cf. principe du paratonnerre). Avec des tensions relativement faibles, on peut générer à leur extrémité des champs électriques colossaux, capables d'arracher les électrons de la matière et de les émettre vers l'extérieur. C'est l'émission de champ. Cette émission est extrêmement localisée (à l'extrémité du tube) et peut donc servir à envoyer des électrons sur un endroit bien précis, un petit élément de matériau phosphorescent qui constituera le pixel d'un écran plat par exemple. Le matériau phosphorescent évacue l'énergie reçue sous forme de lumière (même principe que les écrans de tubes cathodiques).
L'exploitation de cette propriété a déjà permis de réaliser des prototypes d'écrans plats à nanotubes (Samsung et Motorola).
Propriétés chimiques
Les nanotubes sont des structures creuses, que l'on peut remplir avec d'autres composés chimiques, ce qui en fait des récipients clos à l'échelle nanométrique, appelés nanofils.
Les nanotubes de carbone sont relativement peu réactifs et une modification chimique de leur surface fait souvent appel à des espèces fortement réactives (oxydants forts, réducteurs forts, espèces radicalaires par exemple). C'est pourquoi une chimie de greffage de nanotubes basée sur des interactions non covalentes s'est fortement développée ces dernières années (adsorption de tensioactifs, enroulement de polymères, d'ADN, adsorption de pyrènes, etc).
Propriétés optiques
Propriété d'absorption de la lumière (Vers l'hyper-sombre...)
Le matériau le plus noir jamais conçu par l'Homme est un tapis de nanotubes disposés verticalement, réalisé par des chercheurs l'Université Rice autour du professeur Pulickel Ajayan ; avec un indice de réflexion de 0,045%, il est 30 fois plus sombre que le carbone, ce qui lui permet d’absorber 99,9 % de la lumière qu’il reçoit. C’est 3 fois « mieux » que ce que permettait l'alliage de nickel-phosphore qui était le matériau réputé le plus sombre. Ces inventions pourraient intéresser les secteurs militaires, de la communication, de l’énergie (solaire notamment), de l’observation, des colorants, etc.
Propriétés d'électroluminescence
Des chercheurs d'IBM ont indiqué avoir réussi à faire émettre de la lumière infra-rouge par des nanotubes de carbone semi-conducteurs placés dans une géométrie de transistor. Les nanotubes non dopés et soumis à un champ électrique généré par une grille peuvent conduire le courant par l'intermédiaire d'électrons (tension de grille négative) ou de trous (tension de grille positive). Si on soumet en plus le nanotube à une tension drain-source (entre les deux extrémités du tube), le courant est transporté par des trous à une extrémité et des électrons à l'autre (transistor ambipolaire). À l'endroit où ces deux types de porteurs se rencontrent (par exemple au milieu du tube si la tension de grille est nulle), il y a recombinaison de paires électron-trou et émission d'un photon.